une histoire de flûtes

Ne me dites pas que vous n’ avez jamais vu l’image:
Le pavillon d’un Temple – toit recourbé et tuiles de céramique, piliers en bois et tatamis – à l’arrière d’un jardin zen (un monde en maquette), une ou deux lanternes en pierre, un pont en arc sur un petit lac, fond de cerisiers en fleurs (sakura) et de Fujiyama, le tout façon estampe japonaise.
Dans le pavillon, un homme en habit traditionnel (kimono et coiffure samouraï) joue du shinobue, une flute en roseau.
Shinobue, Sakuhachi, Nokan, la flute est au Japon ce que le fromage est à la France: une tradition ancestrale, une image d’Épinal, un étendard.
Beaucoup de flûtistes au Japon, beaucoup de très bons flûtistes qui sont souvent venus étudier en Europe ou aux États-Unis et qui contribuent une fois revenus ici à la permanence et au renouvellement de la tradition.
Des écoles de flûtes, des sociétés de flûtistes, des orchestres entiers de flûtes.
Et qui dit flûtes dit magasins spécialisés et luthiers.
Dans ce domaine particulier, le Japon a su attirer les meilleures compétences, les meilleurs instruments, le meilleur niveau international. La planète flûte traversière se concentre en partie à Tokyo.
Si vous souhaitez trouver et essayer n’importe quelle flûte du monde entier, venez au Japon.
Flûtes d’études et professionnelles, en argent, en or, en platine, en or et argent, en platine et or ou encore en bois, piccolos et accessoires déclinés à l’infini, partitions pour flûtes… si ça existe, c’est ici, dans un des nombreux magasins pour instruments à vent.
Les flûtistes de l’ONCT ont donc tout naturellement fait la traditionnelle visite à l’un d’entre eux, spécialiste des instruments américains. Comme leurs collègues de tous les orchestres en tournée au Japon ils sont allés tester les plus beaux instruments actuels, vérifier que le leur était encore à la hauteur ou pourquoi pas faire des projets de changement (après avoir consulté son banquier, il va sans dire!).
Il a fallu d’abord trouver l’endroit dans la jungle de Shinju-ku, un quartier où les tours poussent comme des champignons en Lozère. Pour l’européen moyen, trouver un lieu avec une adresse japonaise ici, croyez-moi, c’est Koh Lanta!
Mais une fois arrivés à bon port, l’accueil est à la hauteur de sa réputation.
Courbettes traditionnelles, arigato goza imasu (merci infiniment) sans arrêt, échange de cartes de visite, ici on est très accueillant et très respectueux des musiciens étrangers.
Un salon d’essai est mis à disposition, on dit ce qu’on est venu voir et là c’est parti, une flûte comme ci, une autre comme çà, celle-là est pas mal, non plutôt celle-là vas-y toi essaie-la… et si on mettait une embouchure différente sur celle qui nous paraissait bien tout à l’heure, ça la rendrait plus intéressante? non?… je vous passe les détails! même nous, au bout d’un moment, il faut dire stop! petite pause là maintenant!
C’est surtout Harmonie qui essaie. Arrivée depuis un peu plus d’un an à l’orchestre, elle imagine changer de flûte dans un avenir pas très déterminé mais certain. Tout le monde y va de son avis, la pauvre… sûr qu’elle préférerait être seule et tranquille.
Pendant ce temps le luthier spécialiste de la flûte que joue Sandrine est parti dans son atelier: comme un ingénieur de formule 1, il va faire LE réglage qui change tout, en quelques minutes.
Bientôt les ardeurs faiblissent : on a bien tout essayé, la grande table est pleine de flûtes plus magnifiques et plus chères les unes que les autres, nous, nous sommes finalement contents de ce que nous avons, Harmonie s’est fait sa petite idée, voilà, nous allons vous laisser, merci beaucoup, arigato goza imasu encore, oui la carte de visite je l’ai déjà, arigato goza imasu.
Tout le monde semble satisfait! Même si aucun achat n’a été fait, le contact est pris et ici, on sait que ces magnifiques instruments dont nous voudrions peut-être faire l’acquisition, nous aurons du mal à les trouver ailleurs avec un pareil éventail de choix.
Re-courbettes en partant, ascenseur pour redescendre et nous revoilà dans la jungle de Shinju-ku.
Dis donc elle était là tout à l’heure cette tour?
Bon… finalement j’achèterais bien un iPad mini comme cadeau de Noël moi, tiens!

Claude Roubichou
Orchestre National du Capitole de Toulouse

Tokyo-Niigata, une journée ordinaire, une fantastique symphonie!

Tournée_Japon_Symphonie

Partition pour grand orchestre en cinq mouvements. Synopsis.

 – Premier mouvement: Preludio

La journée commence Adagio dolce pianissimo par le réveil à l’hôtel de Tokyo.
Léger agitato mezzo-forte: les musiciens bouclent leurs bagages, vérifient l’horaire et prennent leur petit déjeuner en groupes épars. Thème calme et serein.
Accelerando molto: on dépose les valises qui partent pour Kyoto, puis, embarquement dans les bus et départ pour la gare; régisseurs qui s’ agitent pour vérifier l’exactitude de tout. Partie légèrement stressée et vive avant une fin Andante calma.

– Deuxième mouvement: le Shinkansen « Nozomi », Presto assai

Arrivée sur le quai de la gare de Tokyo : le Shinkansen part et arrive à l’heure, bien sûr…ici c’est le Japon!
Thème rapide qui s’accélère al possibile: banlieue de Tokyo, premiers paysages non urbains, campagne japonaise, montagnes enneigées, tunnels, tunnels, tunnels. Musique très rapide et souvent sombre (tunnels). Voix parallèles -pardon- voies parallèles du train qui glisse maintenant avec une extrême vélocité prestissimo vers le prochain concert.
Allargando molto: arrivée en gare de Niigata.
Suit une petite strette finale: descente de l’orchestre dans une sorte d’agitato alla francese un peu éloigné du mode traditionnel japonais.

– Troisième mouvement: Interludio tranquillo

Nouvelle séquence bus et installation hôtel Niigata.
Mouvement de transition sans caractère particulier qui reprend des éléments thématiques déjà cités dans le début de la symphonie.
Il se finit sur un nouveau sujet plus tendu, presque impérieux avec modulations diverses: les musiciens ont peu de temps, sans attendre ils partent par pupitres ou en solo à la recherche d’un restaurant. Dans deux heures la répétition commence.

– Quatrième mouvement: Appassionato con anima

Thème vif joué par quelques solistes: l’équipe technique s’agite pour les derniers détails d’implantation du plateau.
Tutti général: l’orchestre se met en place et les musiciens s’échauffent avant le début de la répétition. Séquence bruyante et désordonnée, ambiance dodécaphonique post école de Vienne.
Révision d’ensemble des points délicats du programme du soir. Partie beaucoup plus organisée et calme, thèmes souvent répétitifs.
Soudain, retour al niente, calma piano. La répétition est terminée, début d’une partie calme et reposante: les musiciens vont se préparer pour le concert, certains se restaurent, d’autres révisent encore quelques passages délicats; ils s’habillent.
Con fuoco!
Le concert vient de commencer. C’est le sommet de la symphonie, toutes les parties précédentes étaient là pour l’exécution de celle-ci. C’est l’apothéose de cette journée ordinaire de l’Orchestre du Capitole en tournée. D’ailleurs c’est une partie que vous connaissez très bien, vous, public fidèle toulousain.
Finale brillante tutta forzza. L’ouverture de Carmen (patrimoine national) comme dernier bis.

– Dernier mouvement: Andante molto tranquillo

Les musiciens rangent leurs instruments et se changent.
Agitato lointain sur le plateau où l’équipe technique s’affaire déjà pour tout ranger.
Mezzo-forte: tout le monde rejoint les bus puis l’hôtel.
Certains vont se coucher: thème calma mezzo-piano; d’autres vont grignoter un bout ou boire un verre: motif serein, harmonies majeures et heureuses avec modulation en mode mineur plus tard pour traduire une certaine fatigue.

La fantastique symphonie se termine par le thème initial du réveil, mais inversé (en langage musical on dit « en miroir »).
On se rend compte alors qu’il s’agit d’une berceuse traditionnelle japonaise.

Claude Roubichou
Orchestre National du Capitole de Toulouse

une belle rencontre

Journée off aujourd’hui à Tokyo et un temps magnifique pour en profiter.
Au cours de la visite du sanctuaire Kanda-Myojin, une petite princesse sortie d’un joli conte regarde avec de grands yeux curieux, s’approche timidement et demande tout doucement:« where do you come from? »
Orient ou Occident, même étonnement! et magnifique fascination.
Une belle rencontre japonaise… croyez-moi, c’est magique!

Claude Roubichou

Claude Roubichou
Orchestre National du Capitole de Toulouse

récit de coulisses

La tournée Japonaise de l’Orchestre National du Capitole commençait véritablement hier avec un premier concert à Yokohama dans la très belle salle du Minato Mirai.
Bien sûr il y a eu le concert Salle Pleyel à Paris et l’accueil toujours enthousiaste du public parisien qui confirme, concert après concert que « le Capitole » est devenu capitale, mais hier s’ouvrait enfin notre nouvelle campagne d’Orient.
Les équipes techniques ont travaillé comme toujours; quand les musiciens arrivent pour la répétition, la scène (dans le jargon du spectacle on dit « le plateau ») est prête, toutes les caisses arrivées par avion spécial de France sont à disposition, les musiciens peuvent retrouver leurs instruments et se remettre à la discipline de leurs sons filés, gammes et arpèges délaissés depuis deux jours. Comme un sportif assouplit ses muscles et s’échauffe avec application, chacun reprend ses marques, ses sensations physiques et instrumentales, écoute le son dans la salle et juge de la qualité de l’acoustique.

photo (2)Ça va, la salle est belle, toute en bois clair et doré, le son se projette sans retenue avec une réverbération très naturelle, ce sera un très bon instrument pour la  musique de ce soir.À l’heure du concert tout s’accélère, musiciens en queue de pie et dames dans leur plus belle robe font quelques dernières notes en coulisses, les régisseurs et techniciens plateau sont sur le qui-vive.

Attention. « Silence s’il vous plaît messieurs dames, préparez-vous pour entrer sur le plateau ». Fabrice, notre régisseur de scène fait les dernières vérifications et ordonne la manœuvre comme un commandant de tir à la NASA. « Allez, c’est parti, bon concert messieurs dames. » À jardin et à cour (de gauche et de droite) les musiciens entrent sur scène et le public applaudit jusqu’à ce que le dernier entré soit installé. Oui, c’est toujours comme ça au Japon. Geneviève Laurenceau est restée en coulisses avec Tugan Sokhiev, quelques mots d’encouragement, des vœux de succès et c’est au tour de notre violon solo de recevoir l’accueil du public de Yokohama. L’orchestre se lève pour saluer, se rassoit, le maestro peut faire son entrée. Et puis comme par magie, le silence se fait en une fraction de seconde, ça y est, la musique va s’envoler. La lumière est sur scène mais en coulisses tout le monde peut déjà se congratuler: après tout le travail d’organisation et de préparation de cette tournée japonaise, après plus de douze mille km de voyage, la partition à été parfaitement exécutée, aux musiciens maintenant de jouer la leur.

Claude Roubichou
Orchestre National du Capitole de Toulouse

le paradis du percussionniste

Petite halte au Japan Percussion Center

« En cette journée de repos du vendredi 7 décembre , quelques collègues du pupitre de percussions et moi-même avions décidé de nous rendre au Japan Percussion Center. En effet , quoi de plus naturel pour des percussionnistes que de visiter les magasins de percussions à Tokyo!
Après 30 minutes de ce si propre métro, nous nous sommes retrouvés à Tawaramachi, près du quartier d’Asakusa, cœur historique de Tokyo, et célèbre pour son temple bouddhiste « Senso-ji » qui domine le « Nakamise »; une grande allée de boutiques de souvenirs : les marchands du temple en quelque sorte…
Le Japan Percussion center se situe entre le 3ème et le 5ème étage d’un petit immeuble, presque caché au milieu des autres bâtiments de bureaux, de cafés et d’appartements. Heureusement nous étions guidés par Kensuke, ancien élève japonais de « Michel San Ventula » à Toulouse!
Le magasin semble petit, tant quantités d’instruments, de baguettes et de partitions le garnissent.
Mon choix s’est porté sur quelques baguettes que l’on trouve uniquement dans ce magasin mais qui sont très appréciées et recherchées par un grand nombre de percussionnistes européens. Des collègues parisiens m’avaient d’ailleurs prié de leur faire quelques courses… La visite s’est achevée par une sympathique petite photo de groupe avec les vendeurs!
Puis j’ai rejoint les boutiques d’Asakusa afin de me procurer un autre type de baguettes. »

 

Jean-Sébastien Borsarello
Orchestre National du Capitole de Toulouse

Au Japon, ça bouge pour l’orchestre!

Le Japon a dignement fêté l’arrivée de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse en s’ébrouant de toute son échine par deux fois aujourd’hui.
Alors, comment vous dire?
C’est…..
Ça…….
C’est comme si tu te balançais, mais sans qu’il y ait de balançoire accrochée à quelque chose.
Ou plutôt non…c’est comme si la balançoire, et tout le décor qui est avec, se balançait alors que toi tu ne bouges pas!
En fait, ça fait exactement comme un roulement de grosse caisse derrière toi dans la fosse d’orchestre du Capitole: tu n’as pas peur mais c’est très très désagréable et tu as l’impression que tout va s’effondrer autour de toi.
Oui…c’est ça…un bon vieux gros roulement de grosse caisse qui fait tout bouger autour!… sauf que le collègue qui joue, là-haut, tu ne peux rien lui dire!!

Claude Roubichou
Orchestre National du Capitole de Toulouse